A quoi sert l'orthographe ? Il doit servir, avant tout à ce qu'un texte lu soit lisible, compréhensible et in fine, compris le plus aisément et le plus rapidement possible. L'orthographe et la grammaire attachée doivent donc être rigoureux en évitant le plus possible les exceptions qui n'offrent l'avantage à ceux qui savent et ont des facilités à apprendre par coeur, en faisant, la science des imbéciles par excellence.
Vous l'aurez compris : orthographe et grammaire ne peuvent être libéralisées à outrance sous peine de voir des textes écrits incompréhensibles et nécessitant des heures de lecture pour les comprendre.
Le langage SMS est de ceux là : c'est un langage parlé retranscrit. En tant que tel, le débutant perd 90% de vitesse de sa lecture à essayer de le déchiffrer, quand le chevronné, car ayant l'habitude de déchiffrer toujours les mêmes codes, arrivent à comprendre ces propos dans des performances raisonnables. Cependant, il ne faut pas oublier que le SMS étant un langage parlé inventé par nos générations culturellement largement sous-dotée par rapport à ses aînées, il se révèle tellement faible que la richesse du Français en tant que telle est définitivement perdue par ce langage.
Bref, notre langue écrite doit demeurer vivante, peut-être en éliminant certains artifices inutiles (comme l'accent circonflexe peut être). Elle l'a toujours été : historiquement, la langue écrite par nos moines n'avait pas d'espaces, ce qui obligeait le religieux à lire son texte à voix haute. La richesse et l'évolution de notre langage permet une lecture silencieuse.
Par contre, l'évolution de notre langue écrite ne doit pas passer par une stigmatisation exacerbée de la langue écrite dans le langage parlé sous peine d'enlever une part immense de la richesse de notre langue et de la communication qui la sou-tend.
Un article du journal 'Le Monde' daté du 4 Septembre 2009
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" Décriminaliser " les fautes d'orthographe ?
IL A ATTENDU l'âge de 75 ans pour faire son coming out. On le sait désormais : François de Closets n'a pas la bosse de l'orthographe. Et Dieu sait s'il en a souffert tout au long de sa scolarité ! Avec le temps, il a fait des progrès, mais sans pouvoir espérer, même en rêve, décrocher un accessit à la dictée de Pivot... Cet abonné aux best-sellers s'appuie habilement sur son infirmité passée pour aborder un thème qui passionne les Français. Vulgarisateur hors pair, capable d'expliquer avec la même clarté les lois de l'économie, le sens de l'euthanasie ou la construction de la grande pyramide, il lance un élégant pavé dans la mare : juste ce qu'il faut de polémique pour relancer le débat, mais en le déplaçant sur un autre terrain, l'air de crier " au feu ! " avec modération (Zéro faute, Mille et une nuits, 320 p., 20,90 ¤).
La manière d'écrire le français a varié au cours des siècles, souligne-t-il, jusqu'à ce que l'Etat s'en mêle, sous Louis-Philippe, fixant les " tables de la loi ". Nous vivons depuis lors dans une ère de glaciation orthographique. Le système passe pour rigoureux et cohérent, alors qu'il fourmille d'exceptions à la règle et d'aberrations. Le respect fétichiste qu'on lui porte a figé le français à l'égal d'une langue morte.
Simplifier, réformer ? Des linguistes s'y sont essayés, au début des années 1990, avec l'appui de Michel Rocard, qui était alors premier ministre. On a assisté à une levée de boucliers. Quoique publiées au Journal officiel, les rectifications proposées par le Conseil supérieur de la langue française ont été ignorées. Mais pas par tout le monde : François de Closets refuse de s'incliner. A partir de la page 239, les chapitres de son livre ne comportent plus, par exemple, d'accents circonflexes : ils sont écrits en orthographe rectifiée.
Le rebelle se rend bien compte cependant qu'une réforme serait de nouveau rejetée. Les Français éprouvent un attachement viscéral à ce pilier du patrimoine national, surtout s'ils ont beaucoup peiné, à l'école, pour apprendre l'accord du participe passé...
" Le progrès technique offre une solution inespérée pour sortir de cette crise ", affirme François de Closets. Le système est en train de s'effondrer de lui-même. A l'heure d'Internet et du SMS, la langue se réduit de plus en plus à sa seule fonction de communication : ce n'est plus un texte que l'on écrit, mais une parole que l'on envoie. " L'imprimerie avait figé l'orthographe, l'informatique est en passe de la libérer. " Elle la désacralise, la simplifie et lui offre des logiciels de correction.
François de Closets est persuadé qu'en " décriminalisant les fautes d'orthographe ", on cesserait de privilégier la forme au détriment du fond. Et qu'en " se libérant de l'insécurité orthographique ", on retrouverait le bonheur de l'écriture. Il propose de " faire entrer le correcteur orthographique à l'école ", pour que les jeunes sachent l'utiliser convenablement, avec ses limites. Se résignera-t-on à cette prothèse, qui risquerait de désapprendre un peu plus à marcher ?
Robert Solé