Je n'ai jamais porté cette personne dans mon coeur. Mitterrand me fait profondément gerber car il représente tout ce que je déteste en politique : cet attrait du pouvoir qui aveugle pour obtenir le but suprême !
Son action a été dans cette veine lorsqu'il a fait marcher la guillotine dans les années 1960 pour joindre le pouvoir qu'il adulait.
Après ses liens avec Pétain, c'est un Mittérrand non préoccupé par la vie humaine qui se présente aujourd'hui sous nos yeux.
Je considère que rien n'est plus précieux que la vie humaine et que la beauté de la politique est la défense acharnée de ce principe. Mitterrand pensait tout l'inverse...
J'espère qu'il pourrit en enfer...
Un article du journal 'Le Monde' daté du 15 Octobre 2010
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La peine mortelle de Mitterrand
Pendant la guerre d'Algérie, le garde des sceaux François Mitterrand a autorisé les exécutions de nationalistes, et s'est opposé à 80 % de leurs recours en grâce. Un livre de l'historien Benjamin Stora et du journaliste François Malye revient sur cette page de la vie du président qui a aboli la peine capitale en 1981
Après Vichy, l'Algérie. Après la poignée de main à Pétain et la Francisque, les nationalistes algériens guillotinés. Dans le sillage lointain de Une jeunesse française - le livre de Pierre Péan qui dévoilait les accommodements de François Mitterrand avec le régime de Vichy -, un autre ouvrage est publié, qui éclaire une page peu connue de la vie de l'ancien chef de l'Etat : François Mitterrand et la guerre d'Algérie (Calmann-Lévy, 300 p., 18 euros).
Cosigné par un historien spécialiste de l'" Algérie française ", Benjamin Stora, et un journaliste, François Malye, le document porte sur l'attitude de François Mitterrand ministre au cours d'une période bien définie de la IVe République : entre le 1er novembre 1954, jour du déclenchement de l'insurrection algérienne, et le 21 mai 1957, qui voit la chute du gouvernement de Guy Mollet où François Mitterrand détenait le portefeuille de la justice.
Entre ces deux dates, une époque sombre durant laquelle la France, incapable de prendre la mesure de l'émancipation du tiers-monde, tente par le glaive de conserver les départements français d'Algérie. Et le parcours d'un homme politique jeune et habile qui n'hésitera pas à sacrifier, sans états d'âme apparents, la vie d'autrui sur l'autel de son ambition.
François Mitterrand n'a jamais été un ultra de l'Algérie française. S'il n'apprécie guère les Algériens, les jugeant - sans les connaître - rétifs au dialogue et " difficiles " (selon le mot de son ami Roland Dumas), il se méfie des colons assis sur des privilèges et des domaines agricoles immenses. En 1954, la sympathie du jeune ministre de l'intérieur (il a 37 ans) de Pierre Mendès France va au petit peuple des pieds-noirs et à leur cause que sait si bien plaider Georges Dayan, un juif algérien, camarade d'adolescence et de captivité de François Mitterrand. D'où la préférence de celui-ci pour " l'intégration ", une solution qui entend marier la promotion sociale des musulmans et le maintien de l'Algérie dans le giron français.
Le concept est ambigu. La politique du ministre également. Mitterrand n'hésite pas à tenir un discours martial et à expédier en Algérie des dizaines de milliers de CRS et de gardes mobiles pour rétablir l'ordre. Mais, dans le même temps, afin de lutter contre la multiplication des tortures dans les commissariats, il s'efforce, au grand dam des ultras (mais sans grand succès), de muter en métropole les fonctionnaires les plus compromis, " tout en envoyant des policiers métropolitains remettre des pratiques républicaines au goût du jour - en - Algérie ", écrivent les auteurs.
La chute du cabinet Mendès France, en février 1955, l'éloigne un moment du pouvoir. Puis il revient au gouvernement, le 1er février 1956. A un ministre de l'intérieur florentin succède un garde des sceaux autoritaire et répressif. C'est le onzième portefeuille de François Mitterrand. Dès le premier conseil des ministres du gouvernement Guy Mollet, à la mi-février, le garde des sceaux fait partie de ceux qui donnent leur accord pour que soient appliquées " des " condamnations à mort prononcées par les tribunaux. Pierre Mendès France, Gaston Defferre, Alain Savary se sont prononcés contre.
Un mois plus tard, le même François Mitterrand signe les décrets des " pouvoirs spéciaux ". Désormais, les tribunaux militaires prennent le pas sur les juridictions civiles. La loi autorise la " traduction directe devant le tribunal militaire permanent des forces armées, sans instruction préalable, des personnes prises en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens, même si ces infractions sont susceptibles d'entraîner la peine capitale ". Ce faisant, rappellent les auteurs, François Mitterrand approuve une mesure que son prédécesseur, Robert Schuman, avait refusée car il y voyait une " négation du droit de la défense ".
A juridiction d'exception, verdict d'exception. Les condamnations à la peine capitale pleuvent. La guillotine, jamais utilisée contre un nationaliste depuis le début des " événements ", fait son office à Paris comme à Alger. Les têtes des fellaghas tombent à une cadence oubliée depuis l'Occupation allemande : jusqu'à cinq certains jours. Sans résultat probant sur le plan sécuritaire : loin de réduire la violence, la " Veuve " la nourrit.
Avant chaque exécution le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont la vice-présidence est assurée par le garde des sceaux, se réunit pour conseiller le président de la République sur les recours en grâce des condamnés à mort. Pendant des décennies, on a ignoré dans quel sens s'était prononcé François Mitterrand au cours des seize mois où il fut ministre de la justice. Ses biographes assuraient que la peine de mort lui répugnait, et qu'il avait sauvé des têtes.
L'examen du registre des grâces (partiellement ouvert depuis 2001) contredit cette image : " Sur les quarante-cinq dossiers d'exécutés lors de son passage Place Vendôme, François Mitterrand ne donne que huit avis favorables (cinq autres avis sont manquants). On peut le dire autrement : dans 80 % des cas connus, il a voté la mort. "
Interrogés, les proches de François Mitterrand avancent diverses explications à l'intransigeance glaciale du futur président de la République. Il " ne croit pas au nationalisme algérien - et - pense que (...) l'Algérie française peut être sauvée ", avance le journaliste Jean Daniel. " Il y avait deux hommes en Mitterrand ministre. Un homme ouvert à tous les problèmes de libertés individuelles et (...) un homme de choc, presque un homme de guerre en ce qui concerne l'action publique ", analyse de son côté Jean-Claude Périer, l'unique survivant de ceux qui siégeaient au CSM à l'époque.
Mais l'explication la plus convaincante, c'est Roland Dumas qui la fournit, lorsqu'il dit : " Mitterrand était dans le gouvernement Mollet pour des raisons d'opportunité. Il voulait y rester pour être son successeur. " " Devenir président du Conseil ? Il le voulait passionnément ", confirme Georgette Elgey, l'historienne de la IVe République. " Et il aurait sans doute été nommé si le régime, tel un fruit pourri, n'était pas tombé de lui-même avec le retour de De Gaulle ", assure au Monde Robert Badinter, l'un de ses lointains successeurs à la justice.
François Mitterrand n'a jamais livré la clé de son attitude. Revenir sur cette tranche de vie le gênait. Dans ses livres, ses discours, ses interventions, il la passe sous silence. " Il en avait honte ", assure son premier biographe, Franz-Olivier Giesbert. " Ça l'exaspérait, et il passait très vite à autre sujet ", confie au Monde un ancien ministre du gouvernement d'union de la gauche, sous couvert d'anonymat.
Gisèle Halimi ne dit pas autre chose. Avocate, elle a pris la défense de militants du Front de libération nationale (FLN) ; femme de gauche, elle a introduit le futur président de la République auprès de certains de ses amis artistes. " Je me souviens d'un dîner chez moi. Durant sa campagne - celle de 1981 - , je réunissais souvent des gens du spectacle (...). On était tous en train de parler de l'horreur des exécutions capitales. Il a d'abord été silencieux. J'ai voulu évoquer la période algérienne, et là, immédiatement, il a changé de sujet. " Personne ne reviendra sur ce sujet.
Pas même les partis politiques, tant et si bien que les " années algériennes " de François Mitterrand n'ont pas nui à sa carrière. Alors que son bref compagnonnage avec Vichy a suscité livres et commentaires à foison, les quelque cinq cents jours où il fut ministre de la justice n'ont pas été instrumentalisés par ses adversaires politiques, de droite comme de gauche.
Qui aurait eu intérêt à le faire ? Le Parti communiste, avant la présidentielle de 1981, dès lors que le programme commun de gouvernement n'était plus d'actualité. Mais l'attitude de la direction du PCF sur la question algérienne n'était pas exempte de critiques. Les parlementaires communistes n'avaient-ils pas voté les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet en mars 1956 ? La droite n'était pas mieux armée. Les nostalgiques de l'Algérie française avaient peu à reprocher à l'ancien garde des sceaux. Et les gaullistes risquaient gros, d'un point de vue électoral, en exaltant l'indépendance de l'Algérie voulue in fine par le Général.
A l'élection présidentielle de 1981, François Mitterrand saura capter l'électorat des rapatriés. Dans un discours à Avignon, le 4 avril, il promet, s'il est élu, une série de quinze mesures en faveur des pieds-noirs dont la réparation des préjudices de carrière dus à l'action politique ou syndicale, et l'amnistie totale. Président d'honneur du Recours, la principale organisation de rapatriés, le général Raoul Salan - l'un des putschistes de 1961 - en prend acte, et appelle à voter Mitterrand.
Il y gagnera d'être réhabilité, en 1982. Mais l'affaire ne va pas sans difficulté. A l'Assemblée nationale, les socialistes se déchirent. Et François Mitterrand, pour la première fois de son septennat, est contraint d'utiliser l'article 49-3 pour faire passer la loi réhabilitant, entre autres, l'ancien chef de l'OAS.
La singularité est que ce même François Mitterrand est aussi celui qui a aboli la peine de mort en France, contre le souhait d'une majorité de l'opinion publique. Peut-être, par ce geste, entendait-il se faire pardonner les fautes commises près de vingt-cinq ans auparavant, lorsqu'il était ministre de la justice.
Jean-Pierre Tuquoi