Suite de l'échange avec Mr Araknéo sur le site
http://www.webzinemaker.com/nos-transports/Mr Araknéo,
Merci pour cette réponse très complète et qui m'a beaucoup appris sur la formation initiale de l'agent et sur les conditions de travail au sein de votre entreprise.
Concernant les régularisations effectuées à bord des train, outre qu'elles n'ont jamais suscité en moi quelque pétillement optique, il me semble que vous avez passé un peu rapidement sur leur caractère forfaitaire. En effet, le forfait appliqué (4Euros minimum lors de la régularisation dans le train) peut doubler, à lui seul, le prix d'un billet. Votre commission, à ce moment là, est-elle encore proportionnelle à ce montant forfaitaire ou est-elle fixe ?
Concernant l'évaluation de la performance de l'agent, je dois avouer que je ne savais pas qu'elle était compliquée à ce point ;) Il m'est déjà arrivé d'écrire pour féliciter un agent (il doit même y avoir une copie d'un courrier de ce type dans mon blog). Cela me fait plaisir qu'on se serve de ces courriers pour l'évaluation de ces agents, car, pour ma défense, quand j'écris de tels courriers, j'ai rarement une réponse, alors que pour les lettres de plainte, j'en ai très régulièrement (même si le contenu est toujours le même, se résumant à 'bla..bla...écrivez à Arras' ;) ).
Concernant le comportement des agents, il faut bien comprendre que toute perte de patience se résume à une perte de crédibilité envers la clientèle. Ce comportement est autant excusable que le coup de boule de Zidane au gars dont le nom ressemble à celui d'une célèbre marque automobile... Le rôle du client, c'est malheureux à dire mais c'est comme ça, n'est pas de remarquer les efforts de l'agent. C'est de payer son billet, point... Votre travail relève à 80% de la psychologie, et, en matière de psychologie, il y a des comportements qui sont contre-productifs et qui peuvent laminer tout le travail effectué, parmi lesquels :
1. Une colère contre un client
2. Un dénigrement contre un client
3. Prendre les remarques du client comme des remarques faites envers l'agent et non pas contre l'entreprise. Ca, je le remarque TOUT LE TEMPS, ça à un caractère quasi-systématique ! Il faut absolument que l'agent arrive à se détacher émotionnellement des reproches du client pour se dire que ces reproches sont dirigés contre l'entreprise et non contre l'homme. Il y a marqué 'SNCF' sur votre casquette, vous vous appelez donc 'SNCF' pendant que vous travaillez, que vous le vouliez, ou non ! De la même manière que votre travail consiste, entre autres, à contrôler la clientèle, il consiste à accepter les remontrances de la clientèle contre votre entreprise. L'un ne va pas sans l'autre, les deux aspects sont autant liés que l'électron l'est du proton dans l'atome. Si vous prenez toutes les remarques de la clientèle pour vous, forcément vous craquerez car vous ne pouvez pas assumer tous les manques de tout le monde !
Ceci est, forcément, aussi applicable à cette lettre : elle n'est pas plus destinée à Araknéo qu'elle est adressée à l'ensemble du personnel...
4. Un manque d'explication à un incident (quoique là, depuis quelques temps, les efforts sont flagrants).
5. Etre trop empathique envers la clientèle. Ce que la clientèle pense de vous doit vous être indifférent au plus haut point. N'essayez pas d'en faire trop en vous demandant constamment ce que le client va penser de votre action dans telle ou telle situation. Dans votre réponse à ma lettre initiale, très souvent, vous interprétez mes propres sentiments en me faisant dire et penser ce que je n'ai jamais dit, ni pensé. Soyez pragmatique et tenez vous en aux faits. Expliquez ces faits à la clientèle et ne vous posez pas la question du comment vos dires vont être interprétés. Plus vous serez concrets et pragmatiques, en restant humain et en évitant d'agir comme des robots distributeurs de PV, plus la contestation s'amoindrira ou sera rendue limitée. La clientèle a le droit de penser que vous êtes incompétents car vous travaillez dans le public. A vous de lui prouver le contraire par vos actes. Si vous avez fait le maximum et qu'elle n'est pas convaincue, tant pis ! Vous n'avez pas obligation de faire de la clientèle vos amis ! Vous devrez leur faire un sourire, vous leur devrez une explication, mais, en échange, vous serez libre de penser que ce client qui vous fait chier est un con...mais vous n'avez pas le droit de lui faire savoir, c'est bête, mais c'est comme ça, vous êtes payés pour ;)
Plus vous calquerez votre action sur un procès d'intention envers la clientèle, moins elle sera efficace.
La connaissance de la SNCF est très parcellaire, mais j'ai déjà remarqué une chose qui m'a frappé. Lorsque je vais poser mes plaintes régulièrement sur le cahier de service dans les locaux réservés au personnel, je vois des agents qui s'éclatent... Je vois des agents qui prennent leur pied à travailler ! Le train 80xxx qui est bloqué sur la voie 2 et qui doit se faire remplacer par le train 80yyyy, mais dont la caténaire n'est pas branché sur le port X25 ! Ca vous botte ! Et ça vous botte, car gérer des trains est le fondement de la SNCF, c'est la base de la formation ! Faire rouler des trains, c'est ce que la boîte sait faire et elle le fait de la meilleure façon qu'elle peut, elle est dévouée à cette tâche ! Mais pour les aspects clientèles, alors là, la compétence s'arrête. Quand une caténaire est cassée, on la remplace. Ca marche pas, on change, ça marche. Mais les aspects clientèles ne marchent pas comme ça. On a du retard, le client est mécontent, on rattrape le retard, y'a encore des mécontents. L'humain est un travail de longue haleine : il faut dépenser une énergie folle, pour des résultats limités. Il faut s'y investir à fond, avoir un doigté et un tact incomparable pour obtenir un tout petit remerciement. Et très souvent, comme vous l'avez fait remarqué, les efforts peuvent être réduits à néant par des gens qui ne sont pas au contact de la clientèle, d'où une dépense d'énergie qui n'a servi à rien. Donc, comme les aspects humains sont beaucoup plus chiants à gérer, ils ont une tendance à être délaissés pour privilégier le coeur de métier qui est de faire rouler des trains. La technique offre de biens meilleurs retours sur investissement, d'un point de vue de l'ego, que Homo-Sapiens-Sapiens ;) Comme on n'aime moins la gestion de la clientèle, on la délaisse puisque la situation de monopole fait qu'on n'a pas une perte de résultats liée à la mauvaise gestion clientèle. Et car elle est délaissée, le personnel y excelle moins, et parce qu'il y excelle moins, il a tendance à ajouter de l'huile sur le feu et le client râle de plus belle ! CQFD. C'est ce que l'on appelle un cercle vicieux. Il n'y a qu'une prise de conscience pour briser ce cercle vicieux, et si vous attendez une privatisation de l'entreprise pour agir, il sera trop tard... France Télécom a eu une politique de gestion clientèle désastreuse pendant des années, et elle paie encore un lourd tribu à ces erreurs passées. Le réflexe du préavis de grève pour motif fallacieux participe, lui aussi grandement, au fait que le client se sent incompris et mésestimé.
J'espère que, tout comme j'ai compris vos problèmes professionnels, vous comprendrez que le client ne râle pas toujours par plaisir ;)
Si vous passez par Grenoble, laissez moi un message sur mon blog ;)
Merci encore pour vos explications et à bientôt.
Cordialement,
Philippe.
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